Le mariage pour tous et le problème argumentatif des opposants au sein des Eglises (1/2)

La Suisse vote le 26 septembre sur l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe. En Eglises, enfin surtout au sein de l’Eglise Evangélique Réformée Vaudoise (EERV), les personnes opposées se plaignent de ne pas être entendue et que le soutien affiché par l’Eglise Evangile Réformée Suisse (EERS) pose problème. Evidemment, en vrai, c’est plus complexe que ça…

Par le biais de leurs blogs sur Réformés, messieurs Gérard Pella et Martin Hoegger, ministres de l’EERV à la retraite, font passablement de bruit autour de leur opposition connue et reconnue aux rites de bénédiction pour les personnes de même sexe et donc, au mariage pour tous.

Les arguments de l’un et l’autre ne manquent pas de piquant. Gérard Pella lie les travaux d’Ed Shaw, que je ne connaissais pas, au mariage pour tous. N’ayant pas suivi chaque débat de l’EERV voire des Eglises, je suis incapable de me prononcer sur la pertinence du renvoi à cet auteur. Il semble plutôt être cité et connu dans des milieux plutôt conservateurs, où il est apprécié pour son « homosensibilité » (sic) et son choix du célibat comme réponse à son homosexualité. Il ne semble donc pas faire autorité, en dehors de certains cercles bien précis.

Gérard Pella prend appui sur le dernier livre de Shaw pour nous révéler un scoop: ce qui fait que la jeune génération se sent en décalage avec l’ancienne sur l’homosexualité, c’est que l’exigence des textes condamnant l’homosexualité dans la Bible ne semble plus crédible. Et Gérard Pella de se lamenter que c’est une terrible défaite pour la théologie.

Et de tout de suite nous rappeler que les grands et bons théologiens, comprendre des vieux hommes blancs morts (Karl Barth et Jacques Ellul) ou encore vivant (Eric Fuchs) avaient dit toute la vérité, contrairement à l’horrible renégat Simon Butticaz, qui a le défaut d’être jeune, mais reste, Dieu soit loué, blanc et hétéro!

Sauf que l’argumentaire de Gérard Pella peine à convaincre. D’une part, parce qu’il opère des choix étonnants pour comparer ses auteurs. En effet, ce qui relie Fuchs, Ellul et Barth, c’est leur ancrage dans la partie « sociale/sociétale » de la théologie, alors que Butticaz est lui bien plus lié à la partie « historique ». Il aurait donc été de bon ton de prendre des propos d’un systématicien/éthicien/penseur chrétien « pro LGBTIQ+ » plutôt que ceux d’un néo-testamentaire. De plus, Gérard Pella se borne à la conclusion, ce qui nous empêche de suivre le cheminement de pensée du professeur de nouveau testament.

Mais c’est un détail par rapport au vrai problème: en quoi des propos ancrés dans un contexte social qui a passablement évolué, font-ils encore du sens? Sous une insinuation de « on ne peut plus rien dire! » concernant les propos de Barth sur l’homosexualité, se trouve surtout un grand changement de regard social. On ne peut plus, comme le faisait Ellul, déclarer que les personnes homosexuelles sont « débiles », soit « défaillantes, incomplètes ». L’usage d’Ellul est particulièrement périlleux, car s’il condamne bien l’homosexualité, il le fait avec toutes les revendications de son époque en matière de « liberté sexuelle ». Et son propos général demeure percutant: la liberté/libération sexuelle est trop souvent, voire toujours, un asservissement au sexe et donc, une fausse liberté in fine. Et si les décennies suivantes « trieront » les revendications en matière de liberté sexuelle, au moment où Ellul écrit, cette manière de tout ranger ensemble est courante. C’est d’ailleurs sans doute de là que vient l’association fausse et détestable « homosexualité = pédophilie ».

Le gag de l’argument de Gérard Pella, c’est qu’il reconnaît lui-même que Barth tenait un discours dur sur l’homosexualité, car c’était la norme à son époque. Honnête, mais cela montre le crédit à porter à la référence en question. Peut-on citer la vision de la femme d’Aristote comme argument d’autorité pour la déclarer « défectueuse »?

La suite est à découvrir ici.



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