Le mariage pour tous et le problème argumentatif des opposants au sein des Eglises (2/2)

Suite et fin de l’analyse (rapide) de postures d’opposants au mariage pour toutes et tous au sein de l’Eglise Réformée, plus spécifiquement l’Eglise Evangélique Réformée Vaudoise (EERV)

Martin Hoegger part lui d’un autre point de vue et se plaint de l’exclusion dont sa fraction, les conservateurs, seraient victimes. Et de pointer ainsi que le mouvement « Eglise inclusive » de son Eglise, se borne à ne pas organiser de débat sur la question de l’homosexualité. L’argument est amusant, quand le même Martin Hoegger dit plus loin qu’en 2006, 90% des réformé·e·s (de l’EERV) n’étaient pas favorables aux bénédictions pour les personnes de même sexe. Il semble donc que la contradiction viendra d’elle-même, puisque toute manifestation allant dans ce sens aura droit à 10% de soutien.

L’autre argument mis en avant, vise la table ronde organisée par « Le lab » à Genève sur le sujet et où les conservateurs étaient encore absents. Il suffit de lire le flyer pour comprendre pourquoi: ladite table vise à expliquer la position des « pros », pas à organiser un débat. On peut le déplorer, mais rien n’empêche Martin Hoegger et ses partisans de faire de même, ils ne s’en privent d’ailleurs pas avec leurs billets de blog.

Mais Martin Hoegger n’en reste pas là. Il trouve déplorable que les Eglises ne montrent pas clairement les arguments conservateurs et y voit une forme de censure à l’égard de ce courant. Il se retranche derrière la décision par consensus pour justifier son point de vue. Si on peut s’interroger sur la place faite aux arguments conservateurs dans certains documents, l’Eglise serait un cas unique si elle sortait du « oui/non/liberté de vote » en raison d’une minorité sur une question. Lorsqu’un parti donne une consigne de vote, il convoque ses délégués et c’est la position majoritaire qui s’impose. Personne n’a jamais jugé cela anti-démocratique. Par ailleurs, le gouvernement par consensus fonctionne avec de petites entités. Il est illusoire d’imaginer une Eglise cantonale le mettre en place pour un seul sujet. Se plaindre du mode de gouvernance uniquement lorsqu’on est en désaccord, cela me semble un peu facile.

Martin Hoegger souhaiterait également une consultation populaire des réformé·e·s, pour avaliser la décision du Synode national sur la question. Outre les arguments institutionnels déjà avancé: personne ailleurs ne procède ainsi et mettre en place cette structure pour un seul sujet, quelle drôle d’idée, il y a encore un autre souci ici, qu’il pointe bien: la divergence d’opinion entre « base » et « élus ». Si elle est usuellement rare, elle peut bien exister ici. J’ignore totalement comment l’EERV avait trouvé, en terme de méthodologie, 90% d’opposants en 2006, mais l’idée que ces personnes soient majoritaires peut faire du sens. Toutefois, elles avaient 15 ans pour nommer des membres du Synode, des parlementaires, qui pensent et votent comme la majorité. Cette rupture semble donc peu compréhensible, mais est observable ailleurs: la FREE (Federation Romande des Eglises Evangéliques) avait constaté le même décalage entre ses instances dirigeantes et sa base. Sur le même sujet.
Par ailleurs, la consultation de la base pourrait réserver de belles surprises: est-ce que les membres des Eglises réformées conserveraient le credo de Nicée-Constantinople ou le Symbole des Apôtres s’ils étaient consultés à ce sujet? Et si cela devait être décidé par consensus, ce serait encore plus long et complexe. De là, à dire que ces propositions visent à empêcher une décision claire…

Cela se recoupe parfaitement avec l’argument que du fait de la pluralité des opinions en son sein, l’Eglise ne devrait pas prendre position sur de tels sujets. Les personnes tuées pour « hérésie » en 2000 ans de christianisme apprécieraient sûrement une telle sensibilité. De même que les personnes migrantes aujourd’hui, qui seraient sûrement ravies d’être ignorées au prétexte que « Un conseil devrait exercer son « devoir d’unité » en communiquant qu’il est conscient qu’il y a dans l’Église des convictions et des sensibilités différentes sur ce sujet, ce qui conduit à des réponses différenciées en son sein. »

Pour conclure, il me faut ici rappeler à ces messieurs un joli collage féministe « vous ne pouvez plus rien dire, mais qu’est-ce qu’on vous entend! »

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